Casiers de l’École secondaire Macdonald-Cartier
L’Ontario ayant décidé de financer l’enseignement secondaire en français, Sudbury construit en 1969 une des premières nouvelles écoles secondaires françaises publiques de la province. Elle sera notamment reconnue comme un lieu d’excellence du théâtre étudiant avec la troupe Les Draveurs.
École secondaire Macdonald-Cartier et les Draveurs
1970
Au début des années 1960, l’Ontario comprend plusieurs collèges franco-catholiques privés, mais ceux-ci sont réservés à une élite et aux boursiers doués. La plupart des élèves franco-ontariens abandonnent leurs études à la fin de la 8e année, et parfois à la fin de la 10e année. À l’époque, seuls 3% des élèves franco-ontariens atteignent la 13e année, alors que la proportion s’élève à environ 14% des élèves anglophones((Louis-Gabriel Bordeleau, Roger Bernard et Benoît Cazabon, « Chapitre 20. L’éducation en Ontario français », dans Joseph Yvon Thériault (dir.), Francophonies minoritaires au Canada. L’état des lieux, Moncton, Éditions d’Acadie, 1999, p. 448-449.)). Les années 1960 et 1970 donnent lieu à plusieurs transformations autant aux plans culturels, que identitaires et politiques((Marcel Martel et Martin Pâquet, Langue et politique au Québec et au Canada. Une synthèse historique, Montréal, Les Éditions du Boréal, 2010, p. 129-162.)). La forte natalité de l’après-guerre ainsi que le développement du secteur tertiaire encouragent les jeunes à poursuivre leurs études. D’abord, la chute des vocations religieuses nécessite l’embauche d’un nombre grandissant de laïcs chrétiens (qui exigent un salaire au lieu d’une pension), ce qui, joint à la multiplication des inscriptions, mènent plusieurs établissements au bord de la faillite.
Dans le contexte de la Révolution tranquille au Québec, l’État fédéral est pressé d’agir. L’éditorialiste André Laurendeau et le recteur Davidson Dunton sont nommés pour diriger la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme (1963-1971) et proposer des solutions à la crise d’unité fédérale. Sur le front de l’éducation, la Commission constate une disparité majeure: les Canadiens français représentent le groupe ethnique le plus pauvre après les Italiens et les peuples autochtones au Québec; elle constate aussi de graves écarts dans la disponibilité de l’enseignement en français au Canada, une dérogation à l’idéal de l’égalité des peuples fondateurs. Ainsi, selon le Livre II de la Commission, l’école en milieu minoritaire doit désormais « créer un milieu culturel qui serait irréalisable ailleurs au cœur de la communauté », en assurant la transmission de la langue, mais aussi de la culture, pour permettre aux « deux langues […] de demeurer présentes et créatrices((Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Rapport de la Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Livre II : L’éducation, Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1969, p. 3, dans Annie Pilotte et Marie-Odile Magnan, « L’école de la minorité francophone : l’institution à l’épreuve des acteurs », dans Joseph Yvon Thériault, Anne Gilbert et Linda Cardinal (dir.), L’espace francophone en milieu minoritaire au Canada. Nouveaux enjeux, nouvelles mobilisations, Montréal, Éditions Fides, 2008, p. 286.)) ». La transition entre l’école primaire franco-catholique et le chaos des options pour le secondaire nourrit sentiment d’infériorité, toujours selon la Commission :
Pour beaucoup de jeunes Franco-Ontariens, et leurs parents partagent ce sentiment, le passage au secondaire se fait dans l’inquiétude. Catholiques, ils peuvent craindre que l’école neutre ne sous-estime l’importance de la religion dans la vie quotidienne. Francophones, ils voient peut-être dans un enseignement dispensé presque exclusivement en anglais, une sorte de mépris à l’égard de leur langue maternelle. Parce qu’ils sont moins bien préparés que leurs condisciples anglophones, leur méfiance à l’égard de l’école secondaire est accentuée par un sentiment d’impéritie ou même d’infériorité(Commission royale d’enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme, Livre II : l’éducation, Ottawa, Information Canada, 1969, p. 73.)).
Le gouvernement progressiste-conservateur de l’Ontario est déjà engagé dans la réflexion sur l’avenir de la fédération canadienne, notamment en lien avec la question de l’accès aux études secondaires. En 1963, il permet aux institutrices des écoles primaires bilingues d’enseigner toutes les disciplines en français((Stéphane Lang, La communauté franco-ontarienne et l’enseignement secondaire, 1910-1968, Ottawa, Université d’Ottawa, thèse de doctorat (histoire), 2003, p. 196-221.)). En 1965, les high schools peuvent offrir, en plus du cours de français enrichi, les sciences sociales en français. Cela permet à quelques high schools construits pendant ces années, dont celui de Plantagenet ouverte en 1966, d’offrir la moitié de ses cours en français dès son inauguration.
Entre 1962 et 1967, faute de revenus suffisants, la plupart des collèges privés doivent fermer leurs portes. Les tensions sont vives au sein de l’Association canadienne-française d’éducation d’Ontario (ACFÉO), la porte-parole de la collectivité franco-ontarienne, puisqu’on souhaite faire bénéficier le réseau franco-catholique de subventions publiques, ce à quoi la province s’oppose. En octobre 1966, la Province du Canada français des Jésuites décide de fermer le Collège du Sacré-Cœur de Sudbury. Son directeur, le père Stéphane Valiquette, annonce que « les jésuites canadiens d’expression française devront se retirer de l’enseignement secondaire((Lettre de Stéphane Valiquette à Mgr Proulx, « L’avenir du Collège du Sacré-Cœur de Sudbury », octobre 1966, dans Archives des Jésuites de Sudbury, boite 226/B-3-1.)) ».
On aurait voulu intégrer le collège dans le réseau public, comme au Québec, mais le bâtiment n’aurait pas répondu aux critères de l’État ontarien selon Valiquette. Ce constat est peut-être inexact, puisque le financement public d’écoles secondaires publiques de langue française n’a pas encore été confirmé par la province((Julie Lafrenière, « Des luttes au consensus 1965-1982 », dans Guy Gaudreau, Bâtir sur le roc. De l’ACFÉO à l’ACFO du grand Sudbury (1910-1987), Sudbury, La Société historique du Nouvel-Ontario, 1994, p. 98-104.)). Le 22 janvier 1967, la section régionale de Sudbury de l’ACFÉO tient une assemblée publique. Comme ailleurs, on est divisé entre la volonté de faire financer pleinement les écoles secondaires catholiques et celle d’accepter d’endosser des écoles secondaires publiques de langue française.
En février 1967, le congrès provincial de l’ACFÉO endosse la recommandation du mémoire du frère Omer Deslauriers de demander le financement d’écoles secondaires publiques de langue française pour répondre aux besoins des jeunes franco-ontariens. L’archevêque d’Ottawa, Joseph-Aurèle Plourde, juge que ces établissements pourraient faire rayonner la foi et la langue de par l’homogénéité des populations qui les animeraient :
[L]a présence de l’Église à l’école [peut] revêtir des formes diverses selon les circonstances locales. Or, si l’idéal est d’avoir des écoles confessionnelles, ici comme en bien d’autres domaines, l’idéal n’est pas toujours possible… Si l’on entend par séparation de la religion et de la langue que, pour la première fois on n’a pas exigé l’étiquette confessionnelle, cela est vrai, mais il faut bien réaliser que c’est la première fois, à notre avis, que les Franco-Ontariens ont la chance d’avoir des écoles qui répondent à leurs exigences culturelles((Joseph-Aurèle Plourde, dans « Le Congrès spécial de l’ACFÉO. Ce qu’en pense l’archevêque d’Ottawa », Le Droit, 4 janvier 1967, p. 7.)).
Avec un appui d’une partie du clergé, l’élite laïque choisit la francophonie avant le catholicisme, un début de divorce qui avait commencé avec l’Église pendant le règlement 17. La question est considérée urgente, puisque les deux tiers des jeunes franco-ontariens se trouvent déjà dans les high schools bilingues et de langue anglaise((Gérard Boulay, Du privé au public : les écoles secondaires franco-ontariennes à la fin des années soixante, Sudbury, La Société historique du Nouvel-Ontario, 1987, p. 67.)). À Sudbury, le dentiste Benoit Lavigne, le docteur Pierre Chalifoux, le père Guy Lemieux et d’autres tentent de convaincre les Sudburois d’accepter ces écoles publiques de langue française comme solution. Le Collège Notre-Dame se montrera ouvert à accueillir les garçons en septembre 1967, mais la plupart s’orienteront vers les high schools bilingues et de langue anglaise de la région. Le financement des écoles secondaires publiques de langue française vient d’être annoncé. Au printemps 1968, le ministre de l’Éducation, Bill Davis, dépose la Loi sur l’administration des écoles (loi 140) et la Loi sur les écoles secondaires et les conseils scolaires (loi 141), qui permettent l’établissement d’écoles ou de classes secondaires franco-ontariennes publiques, à condition qu’elles recrutent au moins 20 élèves((Stéphanie Chouinard, La question de l’autonomie des francophones hors Québec: trois décennies d’activisme judiciaire en matière de droits linguistiques au Canada, Ottawa, Université d’Ottawa, thèse de doctorat (science politique), 2016, p. 98.)). Les high schools bilingues de Casselman, Embrun, Hawkesbury, North Bay, Pain Court, Plantagenet, Rockland et Welland sont autorisés à devenir des écoles de langue française – en toute douceur et sans interruption – pour la rentrée de septembre 1968. Ailleurs, les public school boards voient une occasion de puiser dans un bassin inexploité d’élèves. Ainsi, à Toronto, Ottawa et Sudbury, de nouvelles écoles sont construites de toute pièce en 1969.
En septembre 1969, l’École secondaire MacDonald-Cartier ouvre ses portes dans des locaux temporaires, dont pendant les après-midis et soirées à Lasalle Secondary. C’est en janvier 1970 que les élèves peuvent accéder à une polyvalente neuve, construite sur l’extension du boulevard LaSalle, à mi-chemin entre le Nouveau-Sudbury et le Moulin-à-Fleur. L’ESMC compte 56 locaux, dont des laboratoires et des ateliers, un gymnase triple, un amphithéâtre de 168 sièges, une cafétéria, une infirmerie et une bibliothèque de 8500 ouvrages((« L’école secondaire MacDonald-Cartier », Le Voyageur, 19 octobre 1970, p. 9.)). Les coûts de la construction s’élèvent à 4 M$ (29 M $ en dollars de 2021). Elle constitue une avancée majeure pour la communauté franco-sudburoise, puisqu’elle offre, pour une première fois, une pleine éducation de langue française, sans frais, jusqu’à la 13e année. Certains parents ouvriers, selon qui « il est essentiel pour vivre confortablement que leurs enfants soient instruits en langue anglaise((« À l’école secondaire MacDonald-Cartier. L’école de langue française en question », Le Voyageur, 11 mars 1970, p. 1.)) », continuent de se méfier du modèle.
L’école est inaugurée officiellement le jeudi 15 octobre 1970, en présence du ministre de l’Éducation (et bientôt premier ministre) William Davis. Pour sa deuxième année, l’ESMC compte 87 enseignants et 1517 élèves, dont 850 filles et 667 garçons. L’école offre les cursus « Arts et sciences », « sciences et technologie », « affaires et commerce », ainsi qu’un cours d’initiation au travail. Selon le directeur Paul Chauvin,
Si vous parlez aux élèves et aux jeunes professeurs, ils vous diront eux-mêmes qu’ils se sentent ici chez eux, qu’ils sont à l’aise. Vous savez que lorsqu’on parlait de regroupement homogène essentiel pour obtenir nos écoles, on ne parlait pas à travers notre chapeau. On s’en rend compte aujourd’hui. Nous élèves ne se sentent plus noyés. C’est sûr qu’ils sont anglicisés et qu’ils ont beaucoup de difficulté avec, par exemple, la terminologie française de matières spécialisées. Mais on tente graduellement de les amener à utiliser la terminologie française. Ça, c’est surtout vrai pour les plus vieux, qui ont trempé dans le secteur public anglais. On constate que ceux qui nous arrivent des écoles séparées sont beaucoup moins anglicisés, moins contaminés. C’est d’ailleurs au moment où nous aurons complété le cycle avec ces derniers que nous saurons vraiment quels résultats a procuré notre école. Nos difficultés sont nombreuses, ça on le sait. Parmi les plus importantes, il y a sûrement celles qui découlent de la pénurie de manuels scolaires français pour ce qui touche les disciplines spécialisées surtout. Ce problème là, je crois bien qu’il ne sera résolu que le jour où les professeurs eux-mêmes décideront de rédiger des manuels adaptés à notre enseignement. […] En définitive, cependant, c’est de nous, les Canadiens français que dépendra le succès ou la faillite d’entreprises telles l’école secondaire Macdonald-Cartier((Paul Chauvin, 15 octobre 1970, dans « M. Paul Chauvin. « La partie sera gagnée quand nos élèves reviendront enseigner ici » », Le Voyageur, 19 octobre 1970, p. 8-9.)).
Également formé en 1969, à partir de la fusion de 26 petites commissions scolaires, le Conseil scolaire des écoles catholiques romaines séparées du district de Sudbury ne baissera pas les bras sur l’éducation secondaire catholique. Un nouveau siège social construit sur la montagne derrière l’ancien collège du Sacré-Cœur en 1972 appuie une reconquête. Le Conseil continue d’offrir la 9e et la 10e année gratuitement au Collège Notre-Dame et dans certaines écoles primaires de la région. L’école Macdonald-Cartier et l’École secondaire Hanmer, ouverte en 1970, attire la plupart des filles qui fréquentaient le Collège Notre-Dame (CND)((Chantal Gauthier et France Lord, La charité en action. L’histoire récente des Sœurs de la Charité d’Ottawa, Montréal, Carte blanche, 2016, p. 91, 167-168; Daniel Marchildon, Sudbury. Toute une histoire!, Sudbury, Centre Fora, 1991, p. 60; Julie Lafrenière, 1994, op. cit., p. 112.)). En 1971, l’école privée ne compte plus que 194 élèves. La directrice du Collège, sœur Yvonne Charbonneau, plaide pour le « rôle efficace des institutions privées » et invite les parents « à reconsidérer le choix [qu’ils ont] déjà fait » et « à refaire une décision judicieuse en regard de la survivance du Collège Notre-Dame((Yvonne Charbonneau, Le Voyageur, 5 août 1970, dans Chantal Gauthier et France Lord, 2016, op. cit., p. 167.)) ». Visiblement, les sœurs ne considèrent pas la laïcisation du Collège, puisque le Sudbury Board of Education ouvre, en 1972, deux autres écoles secondaires publiques de langue française : Franco-Jeunesse, dans le secteur Minnow Lake de la ville, et Rayside, à Azilda. Les Sœurs de la Charité d’Ottawa identifient le Collège Notre-Dame comme « œuvre communautaire » d’un fonds qui amasse les excédents des revenus, des salaires et des pensions des religieuses. Le Collège commence à accueillir des pensionnaires dans un couvent à quelques rues, offrant aux élèves de milieux éloignés et venant de familles pouvant se le permettre une éducation secondaire catholique de langue française. En 1976, le Collège reçoit du mobilier d’écoles québécoises de la congrégation qui ferment, et accueille cinq religieuses qui rentrent d’Afrique pour pourvoir des postes en enseignement. Cette mesure « retarde l’embauche d’un personnel laïque » et « contribue à diminuer d’autant les coûts de fonctionnement((Chantal Gauthier et France Lord, 2016, op. cit., p. 169.)) ». Cela permet aux inscriptions de remonter la pente pour atteindre 685 (1977) et 930 (1981). Une nouvelle aile construite en 1979 double la taille du CND, qui compte désormais plus d’élèves que les écoles Macdonald-Cartier, Hanmer, Rayside et Franco-Jeunesse, qui comptent chacune entre 600 et 700 élèves((Fédération des élèves du secondaire franco-ontarien, « Liste des écoles secondaires françaises et mixtes », janvier 1981, dans Université d’Ottawa, CRCCF, C107-2/27/5.)).
L’École secondaire Macdonald-Cartier précise son programme d’arts, en continuité avec les traditions de Sudbury High et du Collège du Sacré-Cœur, en embauchant l’enseignante Hélène Gravel, qui forme la troupe Les Draveurs en 1971. Le futur dramaturge Robert Marinier compte parmi les étudiants de la troupe fondatrice, qui deviendra mythique dans le milieu du théâtre jeunesse. À peine créés, ils remportent, en 1972, la palme pour la meilleure pièce de la province – la première pour une pièce en français –au Festival Sears pour l’Ontario, créé en 1946. Ils remportent la palme pour une deuxième fois avec la pièce « Au fond de la fontaine » en 1975((« Grande soirée gala à l’auditorium Fraser », Le Voyageur, 5 mai 1976, p. 15.)). Le 27 mai 1975, le gymnase de l’ÉSMC est bondé pour accueillir 1200 spectateurs à la représentation de la pièce victorieuse :
Dès qu’André Thériault apparaît sur scène sous le masque du mime, l’excellence de sa présentation retient le souffle. La musique de Rachel Prud’homme, la chorégraphie de Claire Morisset, le dynamisme et la méticuleuse propreté gestuelle de chacun des participants s’harmonisant dans un ensemble agréable à voir font le reste, c’est-à-dire un spectacle de qualité exceptionnelle. La foule a réservé une grande ovation à toute la troupe et spécialement à son animatrice, Hélène Gravel, au mime André Thériault et à Claire Morisset qui a réussi le tour de force, de jouer alors qu’elle sortait de l’hôpital. On dira ensuite n’a plus d’émules ! On sait que la troupe de MacDonald-Cartier a été choisie pour représenter le Canada à un Congrès mondial du théâtre amateur qui aura lieu les 26 et 27 juin prochain [1975] à Détroit et Windsor. C’est la première fois que le théâtre amateur accueille des étudiants d’une école secondaire((« Au moins 1200 personnes réservent un accueil triomphal aux « Draveurs » de MacDonald-Cartier », Le Voyageur, 4 juin 1975, p. 3.)).
En 1976, Les Draveurs remportent le concours régional à Timmins et présenteront leur spectacle à Toronto le 8 mai((« Grande soirée gala à l’auditorium Fraser », Le Voyageur, 5 mai 1976, p. 15.)). Les Draveurs sont aussi invités à représenter le Canada au festival de théâtre Questor, tenu en Angleterre du 1er au 8 mai 1976. Le Secrétariat d’État, le ministère ontarien de l’Éducation et INCO « ont pu financer une bonne partie du voyage », même s’il « leur manque encore quelques centaines de dollars ». Le 14 mai, à cette fin, on organise une grande soirée gala à l’auditorium Fraser. Les Draveurs présentent une dernière fois leur pièce « On s’en r’parlera » et ramènent sur scène celle de 1975.
En juin 1977, le TNO parraine un projet de théâtre étudiant grâce aux subventions du Secrétariat d’État (3236$) et du ministère des Affaires culturelles et des Loisirs de l’Ontario par le biais du Conseil des arts (9540$), qui permet à dix étudiants francophones des écoles secondaires de la région de participer à des ateliers pendant neuf semaines((Michelle de Courville Nicol, « Théâtre Étudiant – été 77 », Le Voyageur, 1er juin 1977, p. 21.)). On y offre des cours de création, d’interprétation, de pose, de voix, de mime et de technique de scène. Les participants choisis aux auditions tenues du 6 au 8 juin pourront y développer leur créativité et leur imagination en créant et en montant une pièce de théâtre, qu’ils présenteront aux enfants qui fréquentent les terrains de jeu et les écoles communautaires de la région. Ancienne des Draveurs, Linda Sorgini, qui est étudiante à l’École Nationale de Théâtre, sera responsable du théâtre étudiant. Également ancien de l’École secondaire Macdonald-Cartier, Pierre Paquette, comédien en résidence du TNO, complète une tournée nationale subventionnée par l’École nationale de Théâtre et secondera Sorgini.
En janvier 1978, l’exposition « We Among Others / Reflets de nous-mêmes » du Conseil des arts de l’Ontario pour mieux faire connaître les artistes ontariens en Europe et au Canada est lancée officiellement au Centre culturel canadien à Paris par le ministre de la Culture et des Loisirs, Robert Welch, avec 20 artistes de la province, dont Hélène Gravel et Robert Paquette, comme le résume Le Voyageur :
Hélène Gravel est bien connue en tant que metteur en scène de nombreuses pièces de théâtre à succès montées avec sa troupe étudiante de l’école secondaire Macdonald-Cartier, « Les Draveurs », parmi lesquelles on peut citer « Le jeu de cartes », « Guerre aux pois verts », « Afin de rêver » et « Ici et maintenant ». Deux de ses pièces « On s’en r’parlera » et « Au fond de la fontaine » avaient été choisies pour participer au Festival international de théâtre Questors, à Londres, en Angleterre, en 1976.
Hélène Gravel a signé les mises en scènes de deux créations pour enfants au Théâtre du Nouvel-Ontario depuis qu’elle y est directeur artistique : « Ti-Jean de mon pays » (1976-77) qui a fait une tournée nationale d’envergure, et « Ti-Jean fin voleur » (1977-78). Cette dernière pièce figure d’ailleurs au programme de la semaine de « Vie franco-ontarienne » organisée par l’Université d’Ottawa, et sera présentée au théâtre Odéon, à Ottawa, le […] samedi 18 février 1978. Suite à son lancement à Paris, l’exposition « We Among Others / Reflets de nous-mêmes » sera présentée à la Maison canadienne à Londres à partir du 14 mars ; ainsi que dans plusieurs grandes villes européennes. Enfin, l’exposition reviendra en Ontario et fera une tournée à l’intérieur et à l’extérieur de la province((« Reflets de nous-mêmes » en Europe », Le Voyageur, 1er février 1978, p. 17.)).
Une des pièces de Robert Marinier est présentée au Centre national des Arts en novembre 1983. L’enseignant Henri Brunet félicite alors « Hélène Gravel qui a su inspirer ces jeunes artistes de valeur qui font donneur à leur ville natale, Sudbury((Henri A. Brunet, « Tribune », Le Voyageur, 19 octobre 1983, p. 4.)) ».
En 1988, Hélène Gravel et sa protégée, Hélène Dallaire, écrivent la pièce « Par osmose » (qui sera montée à nouveau en 2002((« Par Osmose en rappel », Le Voyageur, 29 mai 2002, p. 15.))). Dallaire a commencé sa carrière à la Cité des Jeunes de Kapuskasing, où elle a créé une troupe de théâtre. Elle a été formée par l’École nationale de théâtre et recrutée par Gravel pour lui succéder.
En 1989, Gravel et son ancienne étudiante, Madeleine Azzola, écrivent un volume Expression dramatique qui comprend plus de 300 exercices pour développer la créativité, comme l’écrit André Girouard :
Le texte d’Einstein, cité en exergue, donne d’ailleurs le ton de l’ensemble de l’ouvrage : « L’imagination est plus importante que le savoir ». C’est pourquoi ce texte, s’il intéresse au premier titre, les animateurs de théâtre, est de nature à intéresser tous les enseignants, ou les animateurs de groupe. […] Ce volume est le résultat d’une triple rencontre. Une suggestion du père d’Hélène : « Vous devriez écrire un volume, cela ferait du bien ». La rencontre Hélène-Madeleine, du professeur et de l’élève, et leur amitié : « Imaginez, nous sommes les deux femmes les plus bavardes du monde : il nous en a fallu du temps pour écrire tout ce qu’on avait à dire » (Madeleine). Et des élèves de choix. « Ce livre est pour vous et de vous ; sans votre énergie, ce livre n’aurait pas été possible. Vous m’avez alimentée, vous m’avez fait grandir » (Hélène)((André Girouard, « Nous avons la passion du théâtre », Le Voyageur, 6 décembre 1989, p. 15.)).
En mai 1991, la pièce « Les neiges » représente le Nord au Festival Sears de la province, où elle remporte le prix de meilleure production. Paul de la Riva du Voyageur résume les qualités de la pièce :
Ce qu’on a apprécié de la pièce « Les neiges », c’est l’attention que l’on a portée aux détails, la qualité des voix des acteurs, les costumes et à leur maîtrise du mime. Soulignons la belle performance de Nathalie Dodson, qui s’est mérité une mention spéciale de l’adjudicateur. Mme Hélène Dallaire, directrice de la pièce avec Hélène Gravel, a très hâte de participer au Sears provincial. « Ça fait plusieurs années que les Draveurs représentent le Nord au Sears provincial. Expliquer notre succès, ce n’est pas sorcier. Tous les participants ont consacré environ 300 heures à ce spectacle : ainsi, les membres de la troupe des Draveurs ont passé leur semaine de vacances du mois de mars, dans le gymnase à travailler sur la production. Pour réussir, il faut avoir du talent, vouloir travailler et se dévouer corps et âme((Paul de la Riva, « Les neiges sont ensevelies sous les applaudissements », Le Voyageur, 1er mai 1991, p. 12.)) ».
Gravel sera honorée pour son « apport à la vie culturelle franco-ontarienne((Jacques Des Becquets, « Hélène Gravel et Brasse-Camarade honorés », Le Voyageur, 8 mars 1995, p. 4.)) » par le Gala de La Nuit sur l’étang, qui accorde annuellement le Prix du Nouvel-Ontario. En plus d’avoir fondé et dirigé les Draveurs pendant une vingtaine d’années et dirigé le TNO, elle forme également des futurs enseignants à l’enseignement des arts à l’École des sciences de l’Éducation de l’Université Laurentienne, où elle a fait renaître La Troupe laurentienne. Lorraine Girouard, membre de La Troupe de 1992 à 1995, lui est reconnaissante pour « la chance d’apprendre, de grandir et de développer une passion pour le théâtre ». Gravel se verra nommer un prix au festival Théâtre-Action, puis une école publique dans le sud de Sudbury. Décédée le 4 novembre 2000, Hélène Gravel recevra le mérite Horace-Viau des clubs Richelieu de la région de Sudbury à titre posthume :
« Elle ne vivait que pour ça », mentionne avec émotion sa mère, Viola Gravel.
Hélène Gravel, décédée le 4 novembre [2000], était perçue par la communauté comme une artiste et une enseignante dévouée à la cause des jeunes et à la culture francophone. Elle a d’ailleurs été honorée à plusieurs reprises, notamment par l’Ordre des Francophones d’Amérique pour sa contribution à la jeunesse franco-ontarienne. […] Une de ces anciennes étudiantes et complice pendant près de 25 ans, Madeleine Azzola, indique que c’était une femme de caractère.
« Ensemble, on apprenait à foncer. Elle prenait sa place, toute sa place, et elle ne demandait pas la permission », raconte-t-elle((Mathieu Berger, « Hélène Gravel est honorée à titre posthume », Le Voyageur, 28 mars 2001, p. 15.)).
L’élargissement du financement provincial aux 11e, 12e et 13e années dans les écoles secondaires catholiques permet au Collège Notre-Dame d’atteindre une stabilité((Chantal Gauthier et France Lord, 2016, op. cit., p. 170-171.)). Le Conseil des écoles séparées estime que ses écoles primaires « nourricières » justifient le rapatriement d’écoles secondaires publiques dans son giron (Franco-Jeunesse deviendra l’Héritage en 1986) ainsi que l’élargissement des classes post-élémentaires (l’Horizon en 1989 et Champlain en 1992) pour concurrencer les écoles publiques (Hanmer et Rayside) de la Vallée.
Même s’il ne connaît pas l’ampleur des Draveurs, le théâtre est également une activité florissante dans d’autres écoles de la région : en avril 1992, c’est la troupe les Troubadours de l’École secondaire Hanmer qui est vainqueur pour leur pièce « Sortie de secours((Brigitte Raymond, « Le théâtre est vivant chez nous », Le Voyageur, 8 avril 1992, p. 4.)) » et qui avancera au festival régional à North Bay. À Sudbury, il y a beau avoir 14 écoles secondaires anglaises et 8 écoles secondaires françaises, on retrouve quatre écoles anglaises et quatre écoles françaises (Champlain, Hanmer, ÉSMC, Rivière-des-Français) à la compétition régionale. En mars 1994, Les Draveurs remportent le festival Sears régional. D’après le chroniqueur André Girouard,
ZONE représentait un défi spécial. Pour satisfaire aux exigences du Festival, il fallait couper la pièce de moitié, et faute d’avoir des comédiens masculins, la metteure en scène dut faire appel à des étudiantes. Dans les deux cas, l’opération a été très bien réussie : on reste fidèle à l’intrigue, une histoire de contrebande de cigarettes qui finit mal ; et la thématique de la solitude du héros et de l’amour impossible est très bien respectée. Aux premières représentations de Zone, dans les années 50 on avait recouru à un décor réaliste. Hélène Dallaire choisit un décor stylisé qui permet beaucoup de mouvement : le déplacement des comédiens sur scène était admirablement bien mené. Chantal Lavigne a donné du rôle principal une interprétation émouvante, toute en spontanéité. Un grand talent((André Girouard, « Une soirée au Festival Sears, Le Voyageur, 30 mars 1994, p. B02.)).
L’école Macdonald-Cartier monte souvent les échelons avec ses pièces. En mai 2000, Les Draveurs se rendent à la finale du Festival Sears, « où plusieurs de ses membres ont été récompensés : l’auteure Sophie Roy a reçu un prix de mérite pour le texte Roses et sclérose ainsi qu’une bourse de 2 000$ ; prix de mérite à la régisseure Marianna Lafrance et prix d’excellence aux trois bouffons : Bradley Nault, Martin Guénette et Josée Leblanc((Danie Béliveau, « De bien belles images », Le Voyageur, 17 mai 2000, p. 5.)) ». Il sera présenté le jeudi 18 mai à 19h à l’école secondaire, ce que la chroniqueuse Danie Béliveau appelle « la meilleure production des Draveurs que j’ai vue ». En mai 2004, Les Draveurs remportent 10 prix au Festival Sears régional pour leur pièce écrite par le groupe, « Lilian Ryerson », qui porte sur un enfant malmené, l’intolérance et l’empreinte de l’Église catholique sur les Canadiens français de l’époque. La pièce est mise en scène par Dallaire((Mathieu Berger, « Les Draveurs font fureur avec Lilian Ryerson », Le Voyageur, 26 mai 2004, p. 15.)). Ils iront au festival provincial à Ottawa en juin 2004.
En 2004, alors que l’École Macdonald-Cartier fête ses 35 ans, on résume dans un reportage l’apport de l’école à la vie culturelle franco-ontarienne :
L’École secondaire Macdonald-Cartier poursuit son bout de chemin et son innovation dans la communauté après 35 ans d’existence. L’école, qui célèbrera cet anniversaire, reconnaît que son passé est garant de son avenir, selon une enseignante, Hélène Dallaire. « C’est comme une célébration de l’excellence. Je crois que Macdonald-Cartier n’a jamais eu peur d’e s’embarquer dans des projets d’envergure et d’innover. Je pense que ça n’a pas changé », raconte-t-elle.
Des grands noms sont passés à l’école dans le domaine des arts, selon Mme Dallaire. On compte Robert Marinier, Linda Sorgini, Manon St-Jules, Yves Doyon et Madeleine Azzola. Elle souligne aussi la sortie de jeunes anciens comme Christian Pelletier.
« Je crois que l’on prépare bien nos élèves sur tous les plans. On s’est toujours très impliqué dans les arts et la culture, mais aussi dans tous les domaines, dont les sports, que ce soit la lutte ou le curling », ajoute Mme Dallaire. Mme Dallaire, qui est responsable de la troupe de théâtre Les Draveurs, se dit fière d’avoir hérité de ce programme depuis le début des années 1990.« C’est gros. C’est quelque chose de spécial pour moi. Les Draveurs sont reconnus partout en province. Hélène Gravel, qui a démarré la troupe […] est une icône pour moi ».
Macdonald-Cartier a aussi de nouveaux projets cette année en ajoutant trois nouveaux programmes. Un pour lutter contre le décrochage, un pour les sciences appliquées et le programme Les Arts de la scène. Mme Dallaire et le professeur Jacques Grylls sont responsables de ce programme qui porte uniquement sur le théâtre et la musique.
« Ce sont deux domaines où nous excellons et nous souhaiterions en faire davantage à l’avenir », dit-il((Jean-François Fecteau, « Après 35 ans, l’École secondaire Macdonald-Cartier innove toujours », Le Voyageur, 10 novembre 2004, p. 11.)).
En mai 2006, Les Draveurs se rendent à nouveau à la finale provinciale avec la pièce Les Bessons, tenu à Toronto du 8 au 13 mai, pièce d’Isabelle Deslauriers, qui a mérité plusieurs prix spéciaux au festival régional, dont une mention pour l’ensemble de la pièce, pour la création, la conception des décors et des costumes et le prix de la meilleure pièce((« Les Draveurs à la finale provinciale de théâtre », Le Voyageur, 3 mai 2006, p. 2.)).
En 2017, Robert Marinier, ancien de la troupe fondatrice des Draveurs, dramaturge et interprète, a reçu le Prix du Nouvel-Ontario((« Félicitations Robert! », Le Voyageur, 5 avril 2017, p. 16.)).
En juin 2018, Hélène Dallaire est récompensée par Théâtre Action lors du 9e Gala Reconnaissance à La Nouvelle Scène Gilles Desjardins à Ottawa. Elle a enseigné une vingtaine d’années à Macdonald-Cartier et enseigné le théâtre dans le deuxième programme de l’Université Laurentienne((Julien Cayouette, « Prix hommage pour Hélène Dallaire », Le Voyageur, 13 juin 2018, p. 9.)). Régulièrement, elle assure aussi la mise en scène de la pièce communautaire du TNO, dont As is (tel quel), texte de Simon Boudreault, à l’hiver 2019.
En mai 2019, Les Draveurs reçoivent la mention spéciale au festival Théâtre Action, festival franco-ontarien en milieu scolaire, qui accueille 350 élèves de la province((Julien Cayouette, « Le théâtre rassembleur », Le Voyageur, 1er mai 2019, p. 2.)).